Ecole passive de Louvain-La-Neuve, un premier bilan


Introduction

En janvier 2010, les élèves de maternelle du collège du Biéreau ont emménagé dans les classes de leur toute nouvelle école passive. Le projet de construction de cette école a été baptisé METIS, acronyme de “Maîtrise Energétique et Technologique d’une Institution Scolaire”.  Ce projet a été réalisé dans un esprit de forte collaboration entre l’architecte, Pierre Somers, les entreprises, et les futurs occupants du bâtiment. L’école a été conçue selon le standard passif, afin de limiter la pollution et de réaliser de fortes économies sur la facture énergétiques. Mais ces économies sont-elles réelles ?


Une forte isolation de l’enveloppe

Pour répondre à cette question, il faut d’abord examiner les principes constructifs mis en application lors de la conception du bâtiment.

Tout d’abord l’isolation importante du bâtiment permet de garder la chaleur à l’intérieur du bâtiment en hiver et de se protéger des fortes chaleurs extérieures en été. Cette isolation est réalisée par le placement de flocons de cellulose d’une épaisseur variant de 30 à 40 centimètres dans les murs et de 36 à 50 centimètres dans la toiture. Ces flocons de celluloses sont insufflés dans des caissons recouverts de plaque de plâtre à l’intérieur et de panneaux de fibre de bois à l’extérieur. Ces panneaux en fibres de bois permettent de couper les ponts thermiques réalisés par les poutres en bois des caissons.

En ce qui concerne les portes et fenêtres, les châssis placés sont munis de triples vitrages, dix fois plus isolants qu’un simple vitrage.
Mais une bonne isolation implique de faire la chasse à tout les ponts thermiques possibles, cela afin d’éviter que toute la chaleur du bâtiment ne s’échappe par une faiblesse dans l’enveloppe extérieure. Un bon exemple est donné ici dans la conception de la structure extérieure du bâtiment. En effet, cette structure est réalisée par des poutres et des colonnes en acier qui sont emballées dans les caissons de cellulose, évitant ainsi tout problème de pont thermique.

Une excellente étanchéité à l’air des parois extérieures permet de contrôler totalement les flux d’air entrant et sortant du bâtiment.

La structure intérieure de l’école est réalisée par des dalles de béton armé et des murs maçonnés en blocs de bétons. Ce choix apporte au bâtiment une très bonne acoustique et surtout une forte inertie du bâtiment qui permet une évolution très douce des températures.

Enfin, l’installation de stores motorisés et de “casquettes architecturales” permet de se protéger des rayons du soleil lors des périodes de surchauffe.


Un réseau d’air qui porte le chauffage et génère le rafraichissement

En ce qui concerne la ventilation des classes, elle est assurée par un système de ventilation double flux représenté ci-dessous. L’air neuf pris à l’extérieur passe tout d’abord par un puits canadien : l’air, en passant dans le sol à deux mètres de profondeur, se réchauffe en hiver et se refroidit en été. L’air passe ensuite dans un échangeur récupérateur de la chaleur de l’air sortant. L’air est alors pulsé dans les classes au moyen de ventilateurs. En cas de besoin, l’air est chauffé à 30 °C par une batterie de chauffe terminale placée à l’entrée de la classe. Une sonde de présence actionne d’ouverture d’un clapet à l’arrivée des élèves. Une sonde de température dans chaque classe régule la température. L’extraction se fait par les couloirs et l’air repasse dans l’échangeur avant d’être expulsé en toiture.

 

Schéma du système de ventilation et de chauffage.

Pendant les nuits d’été, l’air frais extérieur est pulsé dans les classes, mais en by-passant alors l’échangeur !

Voici les principes du système exposés, mais cela fonctionne-t-il en réalité ?


Première analyse du fonctionnement

Pour le savoir, examinons le résultat des mesures effectuées dans l’école.
Sur le graphe de la figure 2 sont représentées quatre courbes prises sur une durée de quatre jours. La courbe noire représente la température extérieure de l’air prise à l’entrée du puits canadien. La courbe verte représente la température de l’air prise à la sortie. L’air est donc réchauffé de 5 et 10°C par son passage dans le puits canadien. Les courbes mauve et jaune représentent respectivement l’évolution des températures de pulsion et d’extraction du système par le couloir.  L’air pulsé est ici fortement réchauffé par l’air extrait du bâtiment, entre 8 et 12°C, ce qui prouve la grande efficacité de l’échangeur de chaleur.

Fig. 2 : Fonctionnement en hiver du puits canadien et de l’échangeur de chaleur.

Les courbes de la figure 3 représentent l’évolution de la température dans une classe orientée au nord sur une durée d’une semaine en hiver. La courbe noire représente les températures extérieures.  La courbe rouge, représentant la température de pulsion d’air dans la classe, montre que des pulsions ponctuelles d’air à une température entre 30°C et 35°C suffisent à réchauffer l’air de la classe dont la température d’extraction est représentée par la courbe jaune.

 

Fig. 3 :Fonctionnement en hiver de la ventilation de la classe Nord.

Les courbes de la figure 4 donnent l’évolution de la température dans une classe orientée au sud durant la même froide semaine hivernale. La courbe rouge, représentant la température de pulsion d’air dans la classe, montre que la chaleur fournie par les enfants et le soleil suffit à chauffer cette classe, la température de pulsion étant, aux heures d’occupation du local, plus fraîche que celle d’extraction, représentée par la courbe jaune.

 

Fig. 4 :Fonctionnement en hiver de la ventilation de la classe Sud.

Cette installation de ventilation et de chauffage fonctionne donc très bien en hiver mais qu’en est-il de son fonctionnement en été ?

Sur le graphe de la figure 5 sont représentées quatre courbes prises sur une durée de quatre jours de canicule. La courbe noire représente la température extérieure. La courbe verte représente la température de l’air prise à la sortie du puits canadien. L’air est donc rafraîchi durant la journée et légèrement réchauffé durant la nuit. On peut se demander s’il ne serait pas intéressant de prendre l’air directement à l’extérieur pour refroidir le bâtiment la nuit sans passer par le puits canadien. Mais une telle stratégie empêcherait aussi le refroidissement de ce puits durant la nuit.
Les courbes bleue et jaune représentent respectivement l’évolution des températures de pulsion et d’extraction dans la classe du fond du couloir. On constate que l’air entrant dans la classe est nettement plus chaud que l’air qui sort du puits canadien. La raison en est la chaleur apportée par le ventilateur de pulsion et l’impact de la chaleur du couloir autour de la conduite d’amenée de l’air… La courbe jaune ne montre qu’un léger refroidissement du bâtiment durant la nuit. Mais malgré tout, par une température extérieure de 35°C, la température intérieure ne dépasse pas 27°C, ce qui montre la bonne inertie du bâtiment.

Ce refroidissement mécanique de nuit consomme de l’électricité… Dès lors, un refroidissement naturel direct par ouverture de fenêtres dans les classes et, soit l’action d’un extracteur mécanique, soit un effet cheminée naturel au dessus du couloir aurait été peut-être plus efficace et moins énergivore ?

 

Fig. 5 :Fonctionnement en été du puits canadien et de l’échangeur de chaleur.

La consommation en gaz mesurée y est très faible : 3 000 m³ de gaz en un an, pour 1 600 m² chauffés, soit la consommation équivalente à une maison d’habitation traditionnelle … pour un volume 10 fois plus grand ! Par contre, la consommation de 40 000 kWh électriques pourrait être améliorée car elle reste encore dans la moyenne de consommation des écoles traditionnelles. Des optimisations sont en cours…

Il serait dommage de conclure sans mentionner l’avis unanime des enseignants : la vie dans cette nouvelle école passive est vraiment très agréable ! La grande qualité d’air intérieur, le confort thermique des parois chaudes et le confort acoustique y sont très appréciés.


Un confort intérieur remarquable

La qualité de l’air intérieure est excellente : des taux de CO2 l’ordre de 500 ppm sont mesurés (contre 3 à 4 000 dans les classes traditionnelles aux châssis rénovés… sans prise en compte de la ventilation !). La fameuse question : “Peut-on ouvrir les fenêtres ?” ne se pose pas ! Et rien n’empêche de les ouvrir en mi-saison, lorsque le chauffage est arrêté…

La stabilité des températures est très bonne grâce au choix d’une très forte inertie intérieure en contact direct avec l’ambiance. Et ce malgré un compromis pour l’acoustique : un absorbeur collé sur les 2/3 du plafond des classes.

Au niveau acoustique, à signaler également le très bon fonctionnement de la chicane absorbante acoustique placé dans le mur au passage de l’air entre classe et couloir.

La température intérieure est bien maîtrisée, grâce à casquettes architecturales et des stores de type screen qui filtrent le soleil.


Une consommation de chauffage 6 fois plus faible que la moyenne

Beaucoup de points forts se dégagent :

  • L’air gagne 5 à 7°C en passant par le sol en période de gel et perd 5 à 7°C en période de canicule.
  • L’échangeur de chaleur présente un rendement qui dépasse les 80 %.
  • L’individualisation de la gestion du chauffage local par local s’avère bien être une nécessité, il aurait été impossible de réussir une température intérieure correcte si l’on n’avait à disposition qu’une seule température de pulsion d’air pour l’ensemble des locaux.
  • La consommation annuelle, qui pourtant vérifiait les 15 kWh/m² lors de l’évaluation sur plan, frôle les 25 kWh/m² dans la pratique. Le rendement des installations, la production d’eau chaude sanitaire et le besoin de mise au point de la première année expliquent sans doute ce fait. Cette consommation est malgré tout 6 fois plus faible que la consommation moyenne des écoles du réseau libre.

Une consommation électrique qui reste élevée

La consommation électrique, par contre, interpelle. Elle est sensiblement égale, en kWh, à celle du chauffage au gaz. Donc elle est 2,5 fois plus élevée que le chauffage en énergie primaire ! En fait, elle est similaire à celle de la moyenne des écoles du réseau libre.

Globalement, avec un total de 90 kWh/m² en énergie primaire, le bâtiment respecte le critère de consommation primaire totale du passif. Mais vu l’accent tout particulier mis à réduire la consommation énergétique du bâtiment, on aurait pu s’attendre à une consommation électrique nettement plus faible que la moyenne également…

Ou part cette énergie électrique ? Pour moitié dans l’éclairage (pas de dimming, un seul interrupteur par classe,…) et pour un tiers dans les ventilateurs du double flux. Le fait que ces ventilateurs restent en fonctionnement jusque minuit pour assurer la ventilation de l’appartement intégré dans l’école n’est sans doute pas étranger à ce montant…


Une gestion lourde pour le directeur

Un directeur d’école ne devrait pas s’occuper de la gestion des équipements techniques de son bâtiment. Son rôle devrait se limiter à l’intégration des horaires de fonctionnement, une fois par an.

Le monitoring de l’école du Biéreau a fait apparaître que l’intégration des fonctions (ventilation, chauffage et froid) dans un même équipement de régulation est source de complexité :

  • dans la mise au point du bon fonctionnement,
  • dans la gestion future par les occupants.

Quelques disfonctionnements ont été relevés, notamment dans la gestion du free cooling. Pour une installation aussi innovante, un véritable commissionning aurait pu être prévu, c’est-à-dire une recherche du réglage optimum des installations. Mais cela demande une instrumentation spécifique… et un financement pour le faire !