Indicateur d'une dérive des consommations : signature énergétique


Signature énergétique du premier degré

Plus il fait froid, plus la consommation d’un bâtiment augmente ! Si les Degrés-Jours doublent, la consommation devrait doubler. C’est sur cette base qu’on a pensé à établir le graphe d’évolution des consommations en fonction du froid, c’est-à-dire en fonction des Degrés-Jours. A priori, ce graphe devrait être une droite.

Dresser la signature énergétique, c’est établir le lien entre la consommation d’un bâtiment et le climat.

Dans le diagramme, l’énergie consommée est indiquée en ordonnée tandis que les degrés-jours ou températures moyennes extérieures sont indiquées en abscisse. Le “lien” est établi par la droite de régression, fonction accessible automatiquement dans un tableur. Cette droite est celle qui “passe au mieux au milieu des différents points”.

Plus la pente de la droite de régression est élevée, plus le bâtiment est sensible aux rigueurs climatiques, soit par défaut d’isolation, soit par défaut d’étanchéité à l’air.

Toute anomalie de fonctionnement se traduit par un éloignement des relevés par rapport à la droite de régression établie sur base des périodes antérieures.

Analyser une signature énergétique, c’est interpréter les écarts des consommations par rapport à cette droite.

Si nécessaire, pour affiner l’analyse, il peut être utile de réaliser ces mesures toutes les semaines.

La méthode de travail repose sur la comparaison des consommations du bâtiment par rapport à lui-même, au fil du temps. En aucun cas, la signature énergétique ne donnera d’indication quant aux consommations optimales d’un bâtiment. Elle ne donne peu d’informations quand à l’origine du problème. Ce n’est pas la panacée universelle, loin de là, et ne remplacera jamais l’audit énergétique du bâtiment. La signature énergétique complète l’analyse de la comptabilité énergétique dont elle fait partie.

Quelle référence climatique ? Degrés-Jours ou température extérieure ?

Lorsque l’on utilise les degrés-jours comme référence climatique, une mise en garde s’impose.

La base 15/15 des degrés-jours, généralement retenue, repose sur les postulats

  • D’une température intérieure équivalente de chauffage de 15°C : 20°C le jour et 16°C la nuit, soit 18°C en moyenne, dont on retranche 3°C pour tenir compte des apports “gratuits” (soleil, équipements, …).
  • D’une température extérieure moyenne d’arrêt de l’installation de chauffage de 15°C.

Cela n’est pas toujours vérifié dans la pratique. Si cela “colle” pour les bureaux, surtout les bureaux peu isolés, c’est inexact pour un hôpital.

Pour un hôpital par exemple, la signature énergétique présentera un écart à l’origine puisque pour 15°C extérieur, le chauffage fonctionne toujours (alors que DJ = 0).

Cette erreur n’est pas facile à déceler, car la présence de consommateurs permanents fausse la lecture (consommation d’eau chaude sanitaire en été, par exemple).

Il existe une méthode qui permet d’éviter le problème : appliquer la signature énergétique sur base des températures moyennes extérieures. Cette méthode est couramment appliquée en Suisse.

Cette méthode permet d’identifier le moment où le chauffage a été arrêté: lorsque les consommations sont nulles.

Le graphique est également plus lisible puisqu’il fait référence à la température extérieure, compréhensible par tout un chacun.

Les besoins autres que le chauffage peuvent aussi être facilement appréciés :

Le point d’inflexion de la droite correspond à la température extérieure à partir de laquelle le chauffage est arrêté. La consommation résiduelle correspond aux besoins des autres usages.

Cette méthode est cependant peu utilisée en Belgique où l’utilisation des degrés-jours est une tradition !


Signature énergétique du second degré

La signature du second degré consiste à approcher l’évolution des consommations par une loi du second degré. Elle se présente alors sous la forme d’une courbe (c’est une parabole).

Une régression de second degré apporte un peu plus de finesse à l’interprétation des résultats, et ne demande pas beaucoup plus de temps de calcul pour autant que l’on puisse utiliser la formule intégrée dans le tableur.

Le surcroît de précision ainsi obtenue n’est réel que si le recueil des données est rigoureux

  • Fiabilité et régularité des mesures.
  • Choix des degrés-jours.
  • Adéquation entre les périodes couvertes par les relevés de consommation et les valeurs climatologiques.

L’interprétation de la signature énergétique du second degré est similaire à celle du premier degré (disposition des points autour de la courbe, pente, origine, évolution au fil du temps, … ).

On peut cependant y ajouter un paramètre : la concavité de la courbe de la signature énergétique. Le rendement moyen de l’installation augmentant avec la charge des chaudières, la concavité de la signature énergétique doit normalement être tournée vers le bas. Autrement dit, les pertes fixes évoluent faiblement lorsque la consommation augmente fort. Les chaudières sont mieux utilisées. Les signatures énergétiques dont la concavité est tournée vers le haut sont donc, a priori, suspectes.


Interprétation : erreur de lecture, d’encodage ou dérive subite

La première année, une signature énergétique de référence du bâtiment est établie. La deuxième année, tout écart d’un point par rapport à cette signature de référence sera interprété comme

  • Une erreur de l’appareil de mesure (compteur, jauge;…).
  • Une erreur de lecture des index.
  • Une erreur d’encodage des données.
  • Une dérive subite des consommations.

En route Sherlock Holmes !…


Interprétation : problèmes de régulation

Une faible dispersion du nuage de points est significative de la bonne performance de la régulation. C’est la fonction même du régulateur que d’adapter le système de chauffage aux besoins du bâtiment, lesquels sont, notamment, liés aux conditions climatiques.

Une forte dispersion des points du diagramme montre donc un fonctionnement aléatoire de la régulation (absence, défaillance, …).

Les signatures énergétiques du second degré dont la concavité est tournée vers le haut peuvent s’expliquer par le choix d’une courbe de régulation inadéquate donnant lieu à des surchauffes lorsque les températures extérieures sont basses.

Attention : cette technique de la “signature énergétique” demande beaucoup d’investissement “temps”, peut être trop par rapport aux résultats qu’elle permet de tirer. Une visite dans le bâtiment concerné est souvent plus efficace pour y détecter la même anomalie de régulation… Elle se justifie néanmoins par le fait que le comptable peut ainsi être le collaborateur du technicien et tirer la sonnette d’alarme, et ce surtout s’il dispose d’un logiciel de comptabilité énergétique lui fournissant l’analyse automatiquement.


Interprétation : dérive progressive de consommation

Par rapport à la signature de référence, les relevés de l’année en cours dérivent progressivement.

Le positionnement répété des relevés au-dessus de la signature de référence entraîne l’augmentation de la pente de la nouvelle signature. Elle indique une augmentation de la consommation, indépendamment de la rigueur climatique. Il faudra en rechercher la cause parmi les suivantes

  • Surchauffe du bâtiment ?
  • Déréglage des courbes de chauffe ?
  • Défaut de l’étanchéité de l’enveloppe ?
  • Encrassement de la chaudière ?
  • Déréglage du brûleur ?

Interprétation :apports solaires gratuits importants

Les consommations observées sont moindres que celles attendues. Cela s’explique soit par un ensoleillement important et inhabituel en saison de chauffe, soit par un apport “gratuit” de chaleur du fait des activités extraordinaires qui se seraient déroulées dans les lieux.

Cela n’est vrai que si une sonde d’ambiance ou des vannes thermostatiques intègrent ces apports gratuits.

Les relevés en période douce se rassemblent alors sous la signature énergétique de référence.


Interprétation : fonctionnement simultané de la climatisation et du chauffage

Le fonctionnement simultané de la climatisation et du chauffage provoque une hausse des consommations de chauffage.

À partir d’une certaine rigueur climatique, la climatisation n’est plus sollicitée et seul le chauffage est alors assuré, avec des consommations plus conformes aux prévisions.

Le nuage des points prend une allure caractéristique en forme de vague autour de la signature de l’année en cours.


Interprétation : existence de consommations à 0 Degré-Jour

Cette situation peut s’observer dans quatre cas

  • Choix d’une mauvaise base pour le choix des Degré-Jours.
  • Existence de consommations pour un autre besoin que le chauffage des locaux.
  • Défaut de mise à l’arrêt du chauffage en période estivale.
  • Imprécision de la signature énergétique du 1er degré.

1. Choix d’une mauvaise base pour le choix des degré-jours

Le problème a déjà été abordé dans l’explication de la méthode. Il est possible soit d’adopter la température extérieure comme référence, soit de choisir les Degrés-Jours ad hoc.

2. Existence de consommations pour un autre besoin que le chauffage des locaux,

Dans toute la mesure du possible, on organisera un comptage séparé des consommations relatives au chauffage des locaux (qui sont tributaires du climat). Éventuellement, on estimera les consommations qui sont propres à un autre usage que celui du chauffage afin de les soustraire des consommations totales enregistrées.

Il est parfois difficile de compter séparément ou même d’estimer les consommations d’un usage particulier.

Dans pareil cas, la consommation observée à 0 Degré-Jour correspond aux besoins pour la production d’eau chaude sanitaire, aux pertes près (pertes à l’arrêt, fonctionnement du chauffage en période estivale, …).

Graphiquement, cette consommation correspond à l’écart entre l’origine du graphe (le point [0,0]) et l’origine de la signature énergétique (ci-dessus, exemple d’une piscine, ce qui explique l’importance des consommations attribuées à l’ECS).

3. Défaut de mise à l’arrêt du chauffage en période estivale,

Si la production d’ECS (ou autre usage) n’influence pas la consommation de chauffage (systèmes ou comptages séparés), l’existence de consommation à 0 degré-jour révèle un défaut de régulation. Le chauffage fonctionne alors que les besoins sont nuls.

Graphiquement, cette consommation correspond, ici aussi, à l’écart entre l’origine du graphe (le point [0,0]) et l’origine de la signature énergétique de l’année observée.

4. Imprécision de la signature énergétique du 1er degré

L’écart entre l’origine de la signature énergétique du 1er degré et l’origine du graphe peut provenir en fait d’une “erreur mathématique” : le nuage des points “tirant” la signature énergétique de telle sorte que l’origine de la droite ne passe pas par l’origine du graphique.

Par contre, la signature du second ordre, pour la même période de consommation, ne présente pas cet écart à l’origine. Elle est plus précise.

On pourrait donc établir une signature du premier degré dans tous les cas et, en guise de contrôle, une signature du second degré dans les cas de figure tel que celui présenté ici, où l’on douterait de l’interprétation à donner au graphe.

Mais si la régression du second degré est directement accessible sur le tableur d’enregistrement, autant en profiter du premier coup !