Un projet multidisciplinaire

Au-delà de la justification environnementale et économique, l’implantation d’une ou plusieurs éoliennes doit satisfaire à une série de contraintes. Celles-ci sont de natures fort différentes. Ces contraintes peuvent être vues comme des conditions nécessaires à remplir pour pouvoir édifier une éolienne, mais chaque contrainte séparée ne peut être vue comme une condition suffisante : il faut pouvoir répondre à toutes les contraintes. Naturellement, plus le projet est ambitieux en taille et plus les contraintes à respecter sont sévères ou plus la justification de leur respect doit être approfondie. À l’autre extrême, on trouve les projets de petites éoliennes où les contraintes sont relativement limitées.

Pertinence du projet

Au départ, le projet doit être intrinsèquement pertinent. On développe cette idée ci-dessous pour différentes dimensions du projet, c’est-à-dire des objectifs énergétiques, environnementaux et économiques. Ces dimensions ont été séparées pour des raisons de clarté et pour structurer le propos. Il faut être conscient qu’en réalité tous ces critères sont fortement liés et doivent être considérés ensemble.

Pertinence économique

Bien que l’impact sur la réduction de l’émission de gaz à effet de serre soit un atout indéniable, il n’en reste pas moins que la pertinence économique d’un projet éolien demeure un paramètre vital. À cet effet, il est important d’avoir une idée claire sur la rentabilité de son projet. En outre, il faut intégrer à ses calculs financiers la politique de soutien des autorités publiques pour la production d’énergie verte. En effet, ce dernier aspect améliore considérablement les performances économiques du projet.

Pertinence énergétique et environnementale

  • Maîtrise de la consommation énergétique : Si l’objectif est de répondre à la demande d’électricité d’un ou plusieurs bâtiments, d’autres approches que l’éolien peuvent être pertinentes, voire prioritaires. Produire son énergie avec des sources d’énergies renouvelables est une excellente initiative, ne pas consommer cette énergie est encore mieux. C’est un slogan que l’on rencontre systématiquement dans le contexte de l’utilisation rationnelle de l’énergie. Bien qu’un peu “bateau”, il est tout à fait pertinent. Une condition préalable à l’investissement dans un projet éolien est la maîtrise de sa consommation énergétique. À l’échelle d’un bâtiment, cela doit être vu au sens large, c’est-à-dire en intégrant la consommation électrique, mais aussi la consommation de chaleur. On peut attaquer ces consommations sur deux fronts : le premier est de réduire les besoins de chaleur et d’électricité, le second est l’utilisation d’un matériel performant et en bon état de marche. Les différentes sections d’Énergie+ ont été développées pour vous accompagner dans cette démarche de maîtrise des consommations pour chaque poste-clef de votre bâtiment ou de votre parc immobilier.
  • Les ressources disponibles : Par définition, une éolienne est une machine qui transforme l’énergie du vent en énergie mécanique, c’est-à-dire la rotation du rotor. Finalement, cette énergie sera transformée en électricité via une génératrice. Comme toute machine, elle réalise cette conversion avec un certain rendement. Comme le bon vieux premier principe de la thermodynamique nous l’apprend, l’énergie est conservée : “rien ne se perd, rien ne se gagne”. Le rendement de l’éolienne ne dépasse donc jamais les 100 %. Tout cela pour dire que si le vent ne contient pas beaucoup d’énergie sur le site où vous voulez implanter votre éolienne, celle-ci ne pourra pas faire de miracles et produire plus que ce potentiel énergétique du vent. Avant de se lancer dans l’aventure, il faut donc connaître les ressources d’énergie éolienne dont on dispose. Cela peut se faire via une campagne de mesure sur site ou, dans la plupart des cas aujourd’hui, au moyen de logiciels de simulation numérique qui permettent de déterminer les grandes caractéristiques du vent en relation avec une éolienne. Une propriété importante est la puissance instantanée du vent qui traverse la surface balayée par l’éolienne. Cette puissance dépend du cube de la vitesse du vent (en amont de l’éolienne). Si la vitesse double, la puissance instantanée du vent est multipliée par huit. L’éolienne dispose alors de huit fois plus de puissance de vent à convertir en électricité. Sur base de ce constat, on comprend tout l’intérêt de placer son éolienne sur un site venteux. En outre, de par ses propriétés, le vent varie fortement d’un site à l’autre. Par conséquent, la pertinence énergétique d’un projet éolien dépend fondamentalement du potentiel local de votre site d’implantation.
  • Un large spectre d’énergies renouvelables : Comme expliqué ci-dessus, la pertinence énergétique dépend fortement du potentiel de vent de votre site d’implantation. Ce potentiel va donc aussi influencer la viabilité économique du projet. Toutes les sources d’énergies renouvelables ne sont pas aussi sensibles aux conditions atmosphériques ou météorologiques locales. Par exemple, lorsque l’on considère les techniques solaires, que ce soit le solaire thermique ou photovoltaïque, votre production sera essentiellement dépendante de l’ensoleillement ainsi que de la température extérieure (qui influence le rendement du matériel). Ces facteurs varient bien évidemment d’un site à l’autre, mais les variations, au sein d’un territoire restreint comme la Région wallonne, restent limitées. Par conséquent, ces techniques solaires souffrent moins de facteurs locaux, leur pertinence est donc plus facile à établir ou réfuter. Le choix d’une énergie renouvelable par rapport à une autre dépendra donc du potentiel de votre site. Si vous ne disposez pas de sites venteux, d’autres sources d’énergies  renouvelables seront peut-être plus indiquées. Dans certains cas, d’autres ressources d’énergies renouvelables sont peut-être plus facilement valorisables, tel le bois-énergie dans des régions où les forêts et les sous-produits de bois sont nombreux. En conclusion, il faut regarder la question de la manière la plus large possible en envisageant toutes les opportunités qui s’offrent.

Contraintes

Le but de cette section relative aux contraintes n’est pas de faire un état des lieux précis des contraintes auxquelles est soumise l’implantation d’une éolienne. L’objectif est de démontrer la diversité des questions et des disciplines rencontrées. Nous invitons le lecteur intéressé à consulter les documents de référence sur ces questions voir de rentrer en contact avec le facilitateur Électricité Renouvelable de la Région wallonne. Fort heureusement, pour les petits projets éoliens, la liste des contraintes est plus restreinte.

Contraintes urbanistiques

Une éolienne doit respecter une série de contraintes urbanistiques. Celles-ci seront d’autant plus sévères que l’éolienne sera grande. L’ensemble des règles concernant les zones capables en éolien sont reprises dans le Code du Développement Territorial (CoDT). En outre, il existe des zones protégées où l’installation d’une éolienne est en principe proscrite. On peut citer, à titre d’exemple, les zones Natura 2000, les réserves naturelles, les peuplements de feuillus,…

Les éoliennes pourront par contre s’établir, moyennant certaines conditions, dans les zones agricoles, zones d’activité économique, zone forestière à faible densité…

Contraintes électriques et de raccordement au réseau

Mis à part les situations d’auto-consommation, l’électricité qui sera produite par les éoliennes sera principalement injectée sur le réseau. Il faut que le réseau possède un nœud de connexion proche (cabine de tête) qui puisse accueillir le puissance électrique débitée par une ou plusieurs éoliennes. Cette capacité dépend de la puissance électrique que l’on souhaite faire transiter par le réseau et donc de la taille du projet éolien. Dans le cas où il faudrait tirer une nouvelle ligne de puissance vers une éolienne, il faut savoir que ce sont des travaux extrêmement coûteux. La topologie du réseau électrique à proximité du site d’implantation a donc un impact majeur. Ces questions sont traitées en collaboration avec le Gestionnaire du Réseau de Distribution (GRD) ou de Transport (GRT) suivant le niveau de tension du réseau auquel on veut se raccorder.

Actuellement, les meilleurs sites (sur les plans de l’exposition au vent et de la connexion au réseau) sont déjà équipés en éoliennes. Ce critère est donc moins évident à optimiser au fur et à mesure que les gisements de vents idéalement situés sont exploités.

Contraintes environnementales

L’implantation d’une éolienne peut perturber son environnement direct :

  • Les éoliennes émettent du bruit. Ce bruit peut être engendré par la vibration de la structure, voire aussi être d’origine aérodynamique. Il faut veiller à ce que le niveau de bruit émis par l’éolienne soit compatible avec l’occupation du voisinage. À ce titre, le législateur a mis en place un arrêté pour protéger le cadre de vie des riverains en exigent le respect de normes de bruits strictes en fonction des conditions sectorielles. http://environnement.wallonie.be/legis/pe/pesect074.html
  • L’impact de l’éolien sur l’avifaune est très limité. Il est d’autant plus limité que l’éolienne est de petite taille. Il existe pourtant des zones sensibles qu’il est souhaitable d’éviter, essentiellement pour les grands projets éoliens. Par exemple, on peut citer les couloirs de migration ou les zones de nidification. L’étude d’incidence analyse particulièrement ces impacts.

Contraintes de compatibilité

L’implantation d’une éolienne peut interagir négativement avec d’autres fonctions réalisées dans son environnement :

  • Les éoliennes émettent un rayonnement électromagnétique. Néanmoins, celui-ci n’est pas dans la même gamme de fréquences que celles utilisées par les radars. Ces éoliennes ne constituent donc pas des brouilleurs actifs. Par contre, l’éolienne peut avoir des surfaces importantes métalliques comme le mât ou les pâles qui peuvent refléter les rayons d’un radar. Potentiellement, cela peut créer de faux échos radars ce qui peut être dangereux pour l’aviation civile ou militaire. En outre, certaines parties de l’éolienne sont en mouvement. C’est, par définition, le cas du rotor. Un effet “Doppler” qui modifie le champ électromagnétique pulsé par le radar peut avoir lieu. Ce phénomène génère de forts échos radars. Il faut savoir que même les éoliennes avec un rotor de diamètre limité, comme une éolienne domestique avec un rotor de 2 m de diamètre, génèrent un écho perceptible sur les radars. Un faux écho radar peut être dangereux pour l’aviation, qu’elle soit civile ou militaire, c’est pourquoi certaines zones d’exclusion existent, notamment à proximité des aéroports ou de zones d’implantation de radars. Par contrer cela, des filtres (solutions software) sont actuellement en cours de développement de manière à permettre l’implantation d’éolienne dans certaines zones à proximité de radars.
  • Les grandes éoliennes peuvent constituer un obstacle dangereux pour l’aviation. A l’heure actuelle, les éoliennes dont la hauteur dépasse 60 m doivent être répertoriées.
  • Dans certains cas, l’éolienne peut interagir avec les ondes hertziennes parce que l’éolienne peut réfléchir ou diffracter ces ondes. Comme dans le cas du radar, il s’agit d’une perturbation passive et non pas d’un brouillage actif qui serait généré par les ondes électromagnétiques produites par l’éolienne. Le risque est que le signal envoyé par un émetteur soit “dévié” par une éolienne si bien qu’au niveau du récepteur du signal, on ait la superposition du signal direct et d’un signal dévié par une éolienne. La combinaison des deux contributions donne un signal perturbé. En pratique, une éolienne dont la hauteur totale correspond à la hauteur générale des obstacles naturels ou habituels ne créera pas de perturbation pour les faisceaux hertziens. Mais pas de panique, l’IPBT (Institut belge des services postaux et des télécommunications) et la RTBF sont systématiquement concertés dans le cadre de l’analyse des demandes de permis éoliens, de sorte que le risque de perturbation de votre programme télévisé préféré est aujourd’hui fortement minimisé.

Contraintes foncières

Dans bon nombre de cas, le développeur n’est pas propriétaire du terrain sur lequel il envisage une exploitation éolienne. Dans ce cas, l’exploitant passe un contrat avec le(s) propriétaire(s) du ou des terrain(s) pour pouvoir y réaliser leur projet éolien.

Dans un certain nombre de cas, des contraintes “de signature” peuvent grandement conditionner le projet. Les contraintes imposées par le(s) propriétaire(s) peuvent tant porter sur l’implantation des éoliennes que sur les caractéristiques du parc : nombre de turbines, puissance…


Les étapes d’un grand projet éolien

L’élaboration d’un grand projet éolien est un processus qui se réalise en plusieurs étapes. Au regard des différentes contraintes précitées et de l’importance du potentiel du vent, établir un projet complet demande beaucoup d’investissement en temps et en moyen, notamment pour réaliser les diverses études. Par conséquent, une première étape consiste à valider rapidement le bien-fondé de la démarche en évaluant une série de conditions de base que le projet doit au minimum respecter. Cela permet d’éviter d’engager trop de moyens dans un projet intrinsèquement non viable. Une fois cette étape de pré-faisabilité établie, on peut investir dans des études techniques plus poussées, c’est-à-dire des études de faisabilité, pour finalement aboutir à la finalisation du projet. Le projet ainsi défini, on passe au montage administratif qui donnera lieu à l’obtention d’un permis ou d’un refus d’implantation d’un parc éolien :

  1. Préfaisabilité
  2. Faisabilité
  3. Finalisation du projet
  4. Montage administratif
  5. Obtention ou refus du permis

Les diverses étapes jalonnant le projet sont notamment définies dans des documents de référence développés par le Facilitateur éolien,  ouverture d'une nouvelle fenêtre ! l’APERe. Nous reprenons ci-dessous une description un peu détaillée de la phase de définition du projet avant le montage administratif.

Étude de pré-faisabilité

  • Sur base de la vitesse moyenne du vent sur le site sélectionné, on estime rapidement la production électrique de la future éolienne. En parallèle, on peut aussi estimer l’impact de la topographie et d’obstacles locaux sur la qualité du vent : si l’on se trouve sur un terrain plat ou non plat, si des obstacles naturels ou artificiels sont présents.
  • On peut vérifier si l’implantation est compatible avec les contraintes urbanistiques, avec la présence de zones habitées proche, avec la présence de zones protégées, …
  • Une étude de faisabilité, appelée étude d’orientation, est commandée au gestionnaire de réseau électrique pour évaluer la possibilité de raccordement, la puissance qui peut être raccordée ainsi qu’une estimation du prix de raccordement. Il s’agit, suivant le niveau de raccordement, du gestionnaire du réseau de transport (GRT) ou de distribution (GRD).
  • Consulter les organismes dont l’avis risque d’être sollicité par les autorités qui délivrent le permis d’implantation de l’éolienne. On pense par exemple à Belgocontrol, la Défense Nationale, aux Fonctionnaires Délégués et Techniques. De cette manière, on peut s’assurer que le projet ne recevra pas un avis négatif de la part de ces organismes plus tard dans le processus d’obtention du permis. Encore une fois, on peut ainsi éviter d’engager trop de forces dans un projet qui ne risque pas d’aboutir. Il s’agit d’un avis indicatif qui ne garantit rien sur l’avis officiel qui sera donné ultérieurement par ces institutions durant la phase administrative du projet. À noter que certains organismes ne donnent pas d’avis indicatif.

Étude de faisabilité

  • Une étude plus approfondie sur le potentiel éolien du site est réalisée. Ce potentiel est évalué sur base d’une campagne de mesure sur site bien qu’aujourd’hui les simulations numériques (via un logiciel de simulation numérique des écoulements environnementaux) sont privilégiées.
  • Une étude de détail sera commandée au gestionnaire du réseau électrique afin qu’il établisse les spécifications techniques du raccordement de l’éolienne au nœud du réseau fixé par l’étude d’orientation. Sur base des ces informations techniques, on peut faire établir un devis par une société spécialisée en électrotechnique pour réaliser le raccordement du parc éolien projeté.

Finalisation de l’étude

  • On passe à la phase dite de “micro-siting“. Il s’agit de déterminer le nombre, le type et les caractéristiques des éoliennes qui seront installées ainsi que l’emplacement exact de chaque turbine sur le terrain. On tient à la fois compte des informations collectées sur le potentiel du vent et des contraintes urbanistiques.
  • Un plan de financement est réalisé. Sur base du potentiel du vent, on peut estimer la rentabilité économique du projet. Cette étude tient compte des frais déjà engagés, de l’investissement dans les différentes éoliennes, leur installation et les frais de connexion au réseau électrique. En outre, les frais de maintenance ne seront pas négligés.
  • L’étude est ainsi finalisée, on peut ainsi rentrer dans la phase du montage administratif et la réalisation de l’étude d’incidence environnementale du projet.

Les étapes d’un petit projet éolien

Dans le cas d’un petit projet éolien, le montage d’un projet est fort heureusement moins lourd. Nous résumons ci-dessous les grandes étapes d’un tel projet. On passe au travers ces différentes étapes de manière séquentielle : une fois que la démarche est réalisée, on peut seulement passer à l’étape suivante (processus “go/no-go“).

Les étapes d’un petit projet éolien :

    1. Vérifier sa consommation électrique et la réduire. En amont de toute démarche, il faut maîtrise ses consommations par une utilisation rationnelle de l’énergie (URE). Énergie+ a typiquement été développé pour vous accompagner dans cette tâche.
    2. Vérifier le coût de l’électricité du réseau auprès des fournisseurs.
    3. Faire une estimation rapide de la production de l’éolienne, notamment sur base de la vitesse moyenne du vent sur le futur site d’implantation.
    4. Faire une estimation rapide de la rentabilité du projet en intégrant les incitants fiscaux. Sur cette base, faire une comparaison avec les autres systèmes d’énergies renouvelables.
    5. Vérifier si l’implantation d’une petite éolienne est compatible avec les prescriptions urbanistiques.
    6. Mesurer le potentiel de vent de son site, c’est-à-dire la vitesse du vent durant une période d’au minimum plusieurs mois à, idéalement, un an. Il faut en outre vérifier la “qualité” de l’écoulement du vent sur le terrain en repérant les obstacles qui risquent de le perturber ou les modifications de relief qui risquent d’accélérer ou décélérer le vent localement. Il faut se référer aux règles de bonne pratique pour avoir une idée de cet impact. Finalement, sur base des mesures, on peut faire une estimation de la production électrique réalisable.
    7. Choisir la taille de l’éolienne, son modèle ainsi que la hauteur du mât. La hauteur du mât est un aspect très important. C’est un point sur lequel il faut être particulièrement vigilant et intransigeant pour garantir le futur succès de votre installation éolienne.
    8. Demande et obtention du permis de bâtir.
    9. Suivant la puissance, notification ou demande de permis au Gestionnaire de Réseau de Distribution (GRD) pour la connexion au réseau électrique.
    10. Commander l’éolienne.
    11. Installation de l’éolienne.
    12. Réception des travaux, notamment au niveau électrique et de la connexion au réseau.
    13. Maintenance et surveillance du matériel durant toute sa durée d’utilisation.