Considérer l'aspect économique de l'installation d'une éolienne


La durée d’utilisation des éoliennes

Afin de déterminer la rentabilité d’un projet éolien, il faut connaître le nombre d’années durant lesquelles on espère pouvoir exploiter ses éoliennes. On parle de durée d’utilisation. Cette notion est un peu différente de la durée de vie. En effet, à la fin de la durée d’utilisation escomptée de votre matériel, il se peut que celui-ci garde un certain potentiel pour continuer à fonctionner, notamment au travers d’une grosse révision, ou une mise à niveau. Ce matériel n’est donc pas mort. Pour réaliser une étude économique, on prend en compte la durée d’utilisation. La durée de vie est au moins égale à la durée d’utilisation :

durée d’utilisation <= durée de vie.

La durée de vie d’une éolienne dépend essentiellement de la qualité du projet (choix d’un bon site, d’une bonne machine, d’une bonne hauteur de mât, etc.) mais aussi de la qualité de la maintenance. Installer une éolienne demande de s’en occuper régulièrement quand elle est installée. Dans la suite de cette section dédiée à la durée d’utilisation, on supposera toujours que le matériel est entretenu de manière rigoureuse.

Durée d’utilisation et de vie

Cela dépend essentiellement de la taille de l’éolienne. Plus une éolienne est grande et plus sa durée de vie est importante. En effet, les fluctuations de vent sont relativement moins importantes sur une grande éolienne. En outre, pour les puissances plus importantes, la maintenance sera réalisée par des sociétés spécialisées et formées sur le type de matériel installé. Par conséquent, la qualité de la maintenance est meilleure comparée à une petite éolienne où le propriétaire devra, plus que probablement, assurer lui-même la majeure partie du suivi.

  • Les micro-éoliennes [0,1 à 0,4 kW] et mini-éoliennes [0,4 à 2 kW] : La durée de vie dépend fortement du matériel et de sa mise en œuvre. On peut travailler sur une base de 6 à 12 ans. Un paramètre qui permet d’évaluer la robustesse du matériel est le rapport entre le poids de l’éolienne rapporté par m² de surface balayée par le rotor. Autrement dit, cela donne une idée de la masse disponible pour supporter une certaine “densité de force”. Plus le poids de l’éolienne par m² est important, plus elle est susceptible d’être robuste. Ce n’est pas garanti, mais c’est un bon indicateur. Une éolienne légère correspond à approximativement 10 kg/m² alors qu’une éolienne massive tourne autour des 20 kg/m². À noter que sur cette gamme de micro-éoliennes, les frais de maintenance et de réparation sont souvent difficiles à justifier d’un point de vue purement économique.
  • Éoliennes domestiques [2 à 30 kWh]  : La durée de vie peut aller de 15 à 20 ans avec une bonne maintenance et un bon monitoring.
  • Petites éoliennes commerciales [30 à 120 kWh]  : On tourne autour de 20 ans, toujours dans de bonnes conditions de maintenance. Dans certains cas, on commence à avoir des durées d’utilisation inférieures à la durée de vie de l’éolienne.
  • Moyennes et grandes éoliennes commerciales [120 à 3 000 kWh] : La durée d’utilisation est de typiquement 20 à 25 ans.
  • Géantes commerciales [3 000 à 8 000 kWh] :
    Ces éoliennes sont plus récentes. Leur durée de vie est estimée entre 20 et 30 ans en fonction des constructeurs et de l’entretien.

Investissement

Il est difficile de donner un ordre de prix pour les éoliennes et leur installation. En effet, cela dépend fortement du type d’éolienne, de sa marque ainsi que de la nature du projet. En outre, s’il faut un raccordement particulier au réseau de distribution ou de transport de l’énergie électrique via le placement d’une nouvelle ligne de transmission, cela vient s’ajouter aux frais de l’éolienne.

On peut d’abord introduire quelques tendances générales :

  • Le coût d’investissement par m² de surface balayée ou par kW installé diminue avec la taille des éoliennes : le coût total augmente mais le coût relatif par m² ou kW diminue.
  • Le coût varie selon le fabricant d’éolienne ainsi qu’en fonction du type de fondation.
  • Le coût peut être considérablement impacté par la distance de l’éolienne par rapport à un nœud du réseau susceptible de recevoir la production de l’éolienne. On pense notamment au fait de devoir tirer une nouvelle ligne.

Investissement par m² de surface balayée ou par kW ?

On trouve essentiellement dans la littérature des ordres de prix donnés en euros/kW installé. Certains auteurs considèrent plutôt l’investissement par m² de surface balayée par le rotor. En effet, la puissance nominale d’une éolienne peut être mesurée à des vitesses différentes d’une éolienne à l’autre. Cette dernière valeur n’est pas standardisée si bien que l’on ne sait pas de quelle puissance on parle. In fine, la relation entre la puissance et la taille de l’éolienne n’est pas directe.

Prenons, pour exemple, deux éoliennes de rendement instantané global identique et de puissance nominale égale. La première obtient son rendement nominal à 10 m/s et la seconde à 20 m/s. En gros, on s’attend à ce que la première éolienne aie une surface balayée 2³ soit 8 fois plus importante que la seconde. En termes de diamètre de rotor, la première éolienne a un rotor 8½ fois plus grand que la deuxième. En travaillant avec l’investissement rapporté par m² de surface balayée, on s’affranchit de cette limite.

Néanmoins, si on parle en termes d’investissement par m² balayé, on n’a aucune idée de rendement, d’efficacité du matériel, sur la qualité de l’éolienne.

Ordre de grandeur d’investissements totaux rencontrés

On donne ici un tableau établi en 2010 (mis à jour en 2018) reprenant des fourchettes de prix d’investissement total suivant différentes sources :

Taille de l’éolienne €/m² €/kW €/kW €/kW
Source ou auteur Paul Gipe Facilitateur
(APERe)
 EWEA
Micro-éolienne 2 000-3 000
Mini-éolienne 1 500-3 000
Eoliennes domestiques 1 500-2 500 5 000
Petites éoliennes commerciales 1 200-1 500
Grandes éoliennes commerciales 1 000-1 250 1  400 – 1 500 1000 1 000-1 400

Ordre de grandeur de la répartition des coûts pour un projet éolien de moyenne et grande puissance

On donne ici un tableau établi en 2010 et toujours d’actualité en 2018 reprenant des répartitions types dans l’investissement suivant différentes sources :

Schéma proportion des différents coûts éoliens.

Poste Facilitateur APERe Parc-eolien.com  EWEA
Eolienne 75 % 68 % 75 %
Raccordement au réseau 7 % 13 % 9 %
Génie civil 8 % 8 % 6.5 %
Ingéniérie 5 % 6 % 1.2 %
Etudes préliminaires 2 % 1.2 %
Autres 5 % 7 %

On voit que l’éolienne représente le gros de l’investissement et que le coût du raccordement au réseau est loin d’être négligeable.


La maintenance

Un aspect important d’un projet d’éolienne est la capacité à la maintenir en bon état de marche. Sans ce suivi, la machine ne fonctionnera pas efficacement sur toute la durée d’utilisation. En outre, il s’agit de garantir la durée de vie du matériel.

Voici quelques spécificités des frais de maintenance en faveur des grands projets éoliens :

  • Comparés à l’investissement, les frais de maintenance sont d’autant plus lourds que l’éolienne est petite. A la limite du raisonnement, on trouve les mini-éoliennes et les éoliennes domestiques. Dans le cas des mini-éoliennes, le coût de la maintenance voire de la réparation est tel qu’il ne se justifie pas souvent d’un point de vue strictement économique (de l’ordre de 300€ de maintenance annuelle pour une installation de 3 kWc). Dans les cas des éoliennes domestiques qui représentent déjà un investissement plus significatif, il est souhaitable de pouvoir réaliser une vérification des composants après quelques années. Néanmoins, sur base des recherches que nous avons faites sur les fournisseurs wallons d’éoliennes domestiques, ils n’offrent pas un tel service de maintenance et d’entretien. De manière générale, le propriétaire d’une telle éolienne devra assurer lui-même le suivi régulier de son installation, d’où l’intérêt de faire un relevé de la production électrique. En effet, toute dérive significative de production sera symptomatique d’un fonctionnement anormal, d’un élément défectueux. Le propriétaire bénéficie d’une garantie de quelques années sur le matériel au-delà de laquelle il doit se débrouiller avec son éolienne.
  • Les frais d’entretien augmentent avec le temps. Plus l’éolienne vieillit et plus les interventions sont lourdes pour la maintenir en état.
  • Plus l’éolienne est grande et plus le recours d’une équipe ou d’une société spécialisée pour réaliser les différents aspects de la maintenance sera rencontré. Du coup, la qualité de la maintenance sera plus facilement garantie.

À titre d’exemple, on peut citer les chiffres pour de grandes éoliennes : 5 % de l’investissement initial par année pour les 10 premières années de fonctionnement et 7 % de l’investissement initial par année pour les 10 années suivantes. D’autres sources donnent des valeurs de 1 à 2 % de l’investissement par année et certaines avancent 2 % les 10 premières années, 2,5 % de 10 à 15 ans et 3 % pour la fin de vie de l’éolienne (entre la 16e et 20e année). Il est difficile de savoir quels chiffres sont les bons tant les facteurs qui influencent ces chiffres sont nombreux. Néanmoins, si on travaille avec une éolienne que l’on espère faire tourner 20 ans, on constate que la maintenance est un poste important à intégrer dans l’analyse de rentabilité économique.

Si nous tablons sur une durée de vie de 20 années et un coût de maintenance annuel équivalent à 5 % de l’investissement initial : Le coût de la maintenance sur la durée de vie de l’éolienne sera alors égal à l’investissement initial pour cette dernière.


Production et rentabilité

Afin de pouvoir estimer la rentabilité du projet, il est nécessaire de pouvoir estimer la production électrique annuelle de celle-ci. Il s’agit essentiellement de connaître le potentiel de vent de son site. Il faut disposer de mesures correspondantes à la localisation exacte du futur mât de l’éolienne ainsi qu’à la hauteur à laquelle sera placé le rotor ou obtenir les statistiques du vent sur base de simulations numériques.

Une fois l’investissement connu ainsi que la production électrique annuelle escomptée, on peut déduire le temps de retour sur investissement. Il y a deux grands cas de figure :

  • Soit, toute l’énergie électrique est injectée sur le réseau, auquel il faudra regarder le prix auquel un fournisseur voudra acheter cette énergie,
  • Soit on consomme entièrement ou partiellement l’énergie que l’on a produite, il faudra alors intégrer le prix auquel on vend et on achète l’énergie à un fournisseur. En effet, l’énergie que l’on produit soi-même et qu’on consomme correspond à une quantité d’énergie non consommée sur le réseau et donc à une économie.

Coût du kWh produit

On peut réaliser une analyse simple de la rentabilité économique de la production d’électricité avec une éolienne. La dimension uniquement analysée ici est la dimension économique vue par l’investisseur. La réalité est plus complexe que cela … fort heureusement d’ailleurs … L’intérêt d’investir dans l’éolien ne se limite pas à une dimension purement économique. Par exemple, les avantages de l’éolien comparés aux centrales classiques à combustibles fossiles n’est plus à démontrer, que ce soit en termes de rejet de gaz à effet de serre (SER) ou d’autonomie en approvisionnement énergétique.

On considère ici une durée d’utilisation de 20 ans avec des frais d’entretien annuels de 5 % de l’investissement initial. L’investissement est pris à différentes valeurs : 1 000 €/kW et 1 500 €/kW qui sont représentatifs des grandes éoliennes ainsi que 2 000, 3 000, 4 000 et 5 000 €/kW pour de plus petites éoliennes. Il est alors possible d’évaluer le coût du kWh produit si on connaît la production annuelle d’électricité rapportée en nombre d’heures équivalentes de fonctionnement à puissance nominale.

Si on reprend 25 % de fonctionnement équivalent à puissance nominale (une valeur typique du grand éolien pour nos contrées), pour une année de 8 760 heures, cela donne approximativement 2 200 heures. Sur base du graphe ci-dessus, on voit que le prix du kWh produit s’échelonne de 5 c€/kWh pour des investissements proches de 1 000 €/kWN à 22.5 c€/kWh pour des investissements de 5 000 €/kWN représentatifs de petites éoliennes.

Pour les mini- et micro-éoliennes, le constat fréquent en Wallonie est que le nombre d’heures efficaces dépasse rarement les 1 000 h/an. En outre, l’investissement par kW nominal pour de telles éoliennes est relativement élevé. Prenons à titre d’exemple 5 000 €/kWN, tout en sachant que les prix varient fortement d’un constructeur à l’autre (en fait, la qualité varie aussi fortement selon les fabricants). Le coût du kWh produit est approximativement de 50 c€/kWh, ce qui est nettement supérieur à prix actuel de l’électricité du réseau. Cela explique pourquoi ces éoliennes sont surtout utilisées pour l’alimentation d’appareils dans des lieux éloignés du réseau électrique. On peut citer des applications de recharge de batterie pour des bateaux ou l’alimentation de clôtures électriques dans des exploitations agricoles.


Incitants fiscaux et aide à la production

Afin de promouvoir la production d’électricité verte sur base d’énergies renouvelables, les différents niveaux de pouvoir ont mis en place des dispositifs d’incitants financiers. On peut classer les différents mécanismes en deux grandes catégories :

  • Les certificats verts : Chaque producteur éolien reçoit 1 CV par MWh produit, pour une durée calculée en fonction de la rentabilité de chaque projet éolien. Cette durée est calculée par le régulateur de l’énergie wallon, la ouverture d'une nouvelle fenêtre ! CWaPE, dans le but d’atteindre un IRR/TRI de 7 %. Pour plus d’info, voire la note de la CWaPE sur le calcul du coefficient de rentabilité [keco] ainsi que l’arrêté ministériel. Attention, le taux d’octroi pour le petit éolien est supérieur.   http://www.cwape.be/?dir=0.2&docid=1528
  • Aides et subsides : Par exemple, à l’heure de l’écriture de cette section, c’est-à-dire en mars 2018, on pouvait compter les mécanismes suivants: aide à l’investissement pour les entreprises, Aide UDE de la DGO6 (uniquement petit éolien < 1 MW) http://www.wallonie.be/fr/formulaire/detail/20452, déduction fiscale d’une partie des bénéfices, exonération du précompte immobilier sur le nouveau matériel.

Pour plus de détail, nous invitons le lecteur à consulter les informations diffusées par le Facilitateur Énergies Renouvelables électriques [https://energie.wallonie.be/fr/facilitateur-energies-renouvelables-electriques-et-cogeneration.html?IDC=9546] éolien, c’est-à-dire l’APERe ou de prendre contact avec celui-ci, notamment via son site internet. [http://www.apere.org/]

Il est important de prendre en considération ces incitants financiers dans la mesure où ils améliorent considérablement la rentabilité économique. Le montant et le nombre de certificats verts sont d’ailleurs conçus pour rendre les énergies vertes compétitives par rapport aux filières traditionnelles.


Avantages des grands projets éoliens par rapport à des petites installations : projets  éoliens participatifs

Nous résumons ci-dessous les avantages d’investir en commun dans un grand projet éolien plutôt que de réaliser une multitude de petites installations :

  1. L’investissement ainsi que les frais de maintenance par m² ou par kW nominal diminue avec la taille de l’éolienne si bien que, avec un même budget total initial, on peut investir dans une surface balayée ou une puissance installée supérieure. En conclusion, on produira plus.
  2. Le rendement des éoliennes augmente avec la taille. En conclusion, on produira encore plus.
  3. On pourra travailler avec du matériel certifié et l’entretien sera réalisé systématiquement par des professionnels formés sur le matériel installé. En conclusion, on aura une garantie de qualité et donc une meilleure garantie sur les performances et la durée de vie.
  4. D’un point de vue financier, c’est répartir le risque de l’investissement sur un plus grand nombre de personnes.
  5. Permet de se payer une étude du potentiel de vent approfondie ce qui garantit les performances de la future éolienne. Pour des petits projets, l’étude de vent est plus difficile à rentabiliser.
  6. On peut déléguer et remettre le suivi du projet à des personnes plus compétentes ou qui ont un mandat clair et des moyens pour réaliser le projet. Ces personnes prendront la tête de l’initiative et pousseront le projet.
  7. L’avantage paysager est également à noter : mieux vaut une grande éolienne que 10 petites : pas de prolifération anarchique de petites constructions.

Nous invitons donc les lecteurs intéressés dans l’éolien à ne pas perdre cette possibilité de vue, de se renseigner sur les offres disponibles dans l’éolien participatif avant de se lancer seul dans son propre projet. En outre, une motivation majeure, souvent principale, est aussi de prendre part à une initiative citoyenne en faveur de la protection de l’environnement.

Des plateformes comme Coopalacarte (https://www.coopalacarte.be/fr) cartographient les projets d’énergie renouvelable belge où des coopératives citoyennes sont actives.